Public concerné par ce tuto
Toute personne qui ne maitrise pas parfaitement le décollage d’une aile à boudins avec assistant. Ca en fait du monde …
Les différents types d’ailes concernées
Ce tutoriel concerne les ailes à boudins gonflés pourvues ou non de lattes verticales.
Lexique
Au vent : en regardant dans le sens de l’écoulement du vent, se dit de tout objet A qui est situé avant un objet B. Celui qui reçoit le vent en premier est au vent de l’autre objet.
Sous le vent : se dit de tout objet A qui est situé après un objet B. Celui qui reçoit le vent en second est sous le vent de l’autre.
Fasseyment : légère vibration du spi de l’aile.
Mise en garde sur l’ancienne technique de décollage
Dans les premières années du kite les écoles enseignaient la technique du décollage avec les lignes posées au vent de l’aile (Image 7 et 8) . Depuis quelques années, la plupart des écoles enseignent à décoller les lignes déroulées sous le vent qui s’avère bien plus sûre.
Ci-dessus, l’image 8 montre la difficulté principale liée la technique de décollage sous le vent. Le pilote n’a pas réussi à identifier l’angle de décollage correct, lorsqu’il met les lignes en tension la voile se met violemment en mouvement et l’assistant s’aggripe à la voile afin de ne pas la laisser partir en pleine fenêtre. Sauf que le levier auquel l’assistant essaie de résister est considérable et qu’il risque bien de lâcher l’aile ou de tomber et de se blesser. Ou l’un et l’autre !
Certains « vieux de la vieille » utilisent encore l’ancienne technique, vous en croiserez sur la plage, ne soyez pas surpris.
Essayez de porter le message pour les inciter à changer de technique en leur expliquant comment se fait la mise en place. Mais pour certains, les (mauvaises) habitudes ont la vie dure.
Redondance = double sécurité
La méthode que je vous propose ici contient beaucoup de redondances. Ces redondances permettent de doubler la quasi-totalité des étapes de la procédure de la préparation et du décollage. Ce qui minimise le risque d’accident.
Ne zappez pas les différentes étapes de vérifications que j’ai insérées, mieux vaut trop que point assez.
Les systèmes de sécurité de largage du chicken-loop
Les systèmes de sécurité varient assez peu, en particulier depuis la mise en place de la norme AFNOR devenu norme ISO en 2019 pour standardiser les conditions de fonctionnement des largueurs.
Le principe consiste à se libérer du chicken loop en restant attaché via le leash d’aile fixé au harnais lui-même connecté à une ligne avant pour que la voile se mette en drapeau.
Anciennes barres sans capacité de mise en drapeau: danger
Il reste de nombreuses barres sur le marché dont le principe est partiellement similaire sur la partie basse de la sécurité.

Si vous déclenchez le largueur de chicken-loop, la voile ne se mettra pas en drapeau et continuera à tirer comme si vous aviez simplement lâché la barre.
Position suicide
Pour les kitesurfeurs engagés qui pratiquent le handlepass en freestyle ou naviguent déhookés, certains fabricants de barre proposent un mode dit “suicide” où le largueur est bloqué. Le leash permet alors de ne pas perdre sa voile quand on lâche la barre mais la voile ne se met pas en drapeau et la puissance reste comme si vous aviez simplement choqué l’aile.
N’utilisez jamais ce réglage sans avoir été bien formé et informé des risques encourus.
Conditions nécessaires pour réaliser mes premiers décollages assistés
Pour mes premiers décollages :
- je choisis une plage avec aucun obstacle sous le vent sur au moins 3 x la longueur de mes lignes,
- je regarde en arrivant sur le site où je vais disposer d’assez de place pour pouvoir installer ma voile (Images 1 à 5) afin qu’aucun objet ni personne ne se trouve dans ma fenêtre.
Je vais balayer toute une demi fenêtre en me déplaçant autour de l’assistant qui va être mon axe de pivot pour aboutir à la position de décollage. - je favorise un vent léger de moins de 10/12 nœuds pour garder un temps suffisant pour réagir correctement en cas d’incident. Au-dessus de 15 nœuds le temps disponible diminue de façon exponentielle (Image 0)
- je me fais assister par quelqu’un d’expérimenté qui maitrise déjà la technique de décollage d’une aile à boudins en tant que pilote. Un débutant qui tâtonne avec un assistant qui tâtonne lui aussi, ça peut mal finir. Le rôle de l’assistant est primordial à la réussite du décollage assisté.
Mise en place de l’aile et des lignes
- Si je n’arrive pas à visualiser comment installer voile et lignes, pourquoi ne pas imprimer ce tuto ?
- je choisis un endroit qui me permetra de déplacer la barre pour me retrouver au bord de l’eau, donc le plus éloigné possible des obstacles (pourquoi précisément ce choix ? lire ici)
- je gonfle l’aile et la sécurise (sable, lest…),
- je dévide les lignes en faisant attention de bien mettre la barre dans le bon sens : en me mettant derrière la barre face au vent, ben oui le rouge se retrouve à droite vu que je regarde ma barre dans le mauvais sens.
- j’éclaircis les lignes, si j’utilise un kitecleat ou la technique de Marco, je gagne du temps car pas besoin de démêler !
- j’attache les 4 lignes,
- briefing de l’assistant : j’explique à l’assistant que le signe que je ferai pour lui demander de lâcher l’aile sera de lever mon pouce (c’est le signe normalisé). Il ne doit à aucun moment me tourner le dos et me garder dans sa ligne de mire. Je lui explique que je ferai une croix avec mes mains signifiant qu’il faut reposer l’aile si je détecte un problème à régler que je n’avais pas vu avant que les fils étaient tendus. Je lui explique aussi qu’en cas de doute de son côté, ce n’est pas la peine de parler ou crier car je risque de mal le comprendre ( vent et distance !) et cela pourrait créer un incident ou accident. Pour éviter toute ambiguïté, s’il voit un problème que je n’ai pas détecté, il devra poser la voile et la sécuriser pour que je vienne jusqu’à lui et échanger sur le problème et clarifier la situation avant de repartir à la barre. Si j’insiste pour qu’il décolle et qu’il a un doute, je lui explique que c’est lui qui aura toute autorité pour ne pas lâcher l’aile. Un lâcher qui risquerait de mettre le pilote ou son entourage en danger en cas de décollage non conforme. Vous avez remarqué que le point 6 est très long ? Cela montre l’importance du rôle de l’assistant pour qu’un décollage de ce type se passe bien.
- Je retourne à ma barre où je dois pouvoir visualiser que mes 4 lignes sont connectées correctement en particulier les arrières qui seront les lignes de pilotage. Si vous inversez un avant, l’aile vole tout de même correctement. Mais si vos pré-lignes ou lignes avants ont un code-couleur, respectez le côté car cela pourra vous servir pour faire un atterrissage solo correct par exemple.
- Je teste le largage du chicken-loop pour m’assurer qu’il fonctionne bien (pas de sable, de saleté ou d’oxydation qui le grippe)
- Je réduis la longueur des lignes avants avec le trim central ou je rallonge les arrières sur les barres qui se règlent sur les lignes arrières. Cela permettra à la fois de pouvoir choquer l’aile et permettra de faire monter l’aile progressivement. En effet, dans la phase de décollage, il n’est pas facile de la choquer car mes bras horizontaux sont très tendus. Si j’ai oublié de choquer l’aile par le trim, les avants trop longs induiront le risque que je tire bien malgré moi sur la ligne arrière gauche. Ce qui va faire traverser l’aile en zone de surpuissance avec le risque évident de me faire catapulter. Cela est particulièrement vrai pour les personnes de petit gabarit qui n’ont pas une grande amplitude de bordé/choqué de par leur morphologie.
- A ce moment là j’ai deux possibilités, je peux attacher le leash d’aile seul ou le leash d’aile + le chicken-loop. Les deux méthodes se défendent. La seconde méthode permet de bien détecter l’angle de décollage. C’est celle que je vais décrire ci-dessous.
Déplacement du pilote et décollage
- l’assistant soulève l’aile et la présente verticalement pour le décollage,
- je fais tourner la barre dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour que les lignes restent alignées avec l’aile, ce qui permet de résorber le twist qu’avait initié l’assistant en ramassant l’aile et la faisant tourner pour la présenter verticalement,
- je décris une courbe dont l’axe de rotation est l’assistant pendant que je maintiens une traction modérée sur les lignes. Je prends garde à ne pas trop tirer sur les lignes afin de ne pas déséquilibrer l’assistant qui pourrait lâcher l’aile s’il perdait son équilibre.
- je conserve une légère tension pendant tout mon déplacement sinon il me sera impossible de repérer l’angle correct où je vais m’arrêter et faire le signe conventionnel à mon assistant pour qu’il lâche l’aile. Je ralentis et je regarde avec attention le fasseyement du spi de ma voile 50 cm derrière le bord d’attaque.
- je constate que cette partie de l’aile n’est pas encore en tension (ou « gonflée »). Si je fais signe à l’assistant de lâcher la voile à ce moment là, l’aile va reculer et risque même de faire un tour sur elle-même pour se retrouver au centre de fenêtre où elle va décoller en pleine puissance.
- c’est en continuant de me déplacer lentement que le profil de la voile va se tendre/se gonfler progressivement. Je remarque que c’est d’abord la partie haute de l’aile qui se gonfle (côté gauche de l’aile dans notre cas de figure) puis la partie basse de l’aile (côté droit).
- quand l’ensemble du profil est gonflé, je suis positionné correctement pour entamer le décollage.
Attention : si le vent est trop léger (disons sous les 10 nœuds), il faudra que je me déplace de 10° supplémentaires pour que l’aile puisse prendre un peu d’élan et ne pas décrocher. Sa vitesse permettra de créer de la portance qui a son tour permettra de porter le poids de l’aile et favorisera son ascension pour les premiers 30° du bord de fenêtre les plus sensibles dans le vent léger. - que font mes mains ? Ma main gauche sur la barre exerce une légère tension sur la ligne arrière gauche, ma main droite libre me permet de faire le signe « pouce haut » à mon assistant qui va libérer la voile. S’il sent que l’aile tombe au moment de la lâcher et qu’il doit jeter l’aile pour lui donner de l’élan, c’est que je suis mal placé, mon aile étant encore trop en bord de fenêtre, je dois alors faire quelques pas supplémentaires pour faire rentrer l’aile dans la fenêtre.
- ma main droite peut alors aller rejoindre la barre. La voile va monter doucement par le bord de fenêtre. Je dois contrôler sa montée sans me presser.
- certains moniteurs recommandent de décoller avec la main libre positionnée sur le largueur mais personnellement je trouve que le pilotage de l’aile est perturbé par cette posture, ce qui peut interférer avec la gestion de la tension de la ligne arrière responsable de la montée de mon aile.
- Attention : je ne tire pas trop la ligne arrière gauche responsable de l’ascension pour éviter que la voile ne traverse la fenêtre en traversant la zone de puissance. J’y vais avec finesse. Je vais devoir relâcher progressivement la tension dans la ligne arrière gauche au fur et à mesure que l’aile va progresser dans son ascension en bord de fenêtre. Un beau décollage sécurisé et maitrisé c’est une aile qui glisse tranquillement par le bord de fenêtre sans générer de traction supplémentaire.
Astuce pour ceux/celles qui peinent à trouver la bonne tension de la ligne arrière
Les mains placées plutôt vers le centre de la barre évitent à certains de tirer trop fort sur l’arrière gauche
Je peux aussi n’utiliser qu’un ou deux doigts pour manipuler la barre car l’extrémité des doigts est plus sensible aux variations de pression que la paume de la main.
Normalement cette phase cruciale est travaillée en école. C’est une étape qui ne peut être évacuée ou travaillée trop sommairement sinon lorsqu’il y aura plus de vent, mon aile risque de traverser la fenêtre pendant son ascension et va me tracter engendrant un risque de perte d’équilibre, de chute ou de crash de l’aile.
A ce moment j’ai peut-être les papillons de l’excitation dans le ventre mais je pense quand même à remercier mon assistant sans qui cette manœuvre de décollage assisté n’aurait pu se réaliser correctement.
Des questions, des compléments ? A vos commentaires.